En 1989 sort sur la Famicom au Japon MOTHER, un RPG créé par Shigesato Itoi se démarquant par son histoire, son contexte (le jeu se déroule aux USA durant l'époque contemporaine, tandis que les autres RPG de l'époque se déroulaient principalement à une époque médiévale), mais surtout son humour et son charme. Le jeu fut un succès au Japon, et c'est sans tarder que, dès 1990, Nintendo commanda la traduction du jeu en anglais pour une future localisation en Occident. Elle fut finalisée en 1991, mais la sortie du jeu dut être abandonnée à cause de sa sortie trop tardive pour un jeu NES (la SNES venait de sortir), et le manque d'intérêt pour les RPG de la part des Occidentaux. C’est ainsi que cette localisation restera officiellement dans les archives de Nintendo of America pendant plus de 20 ans. Cette version est cependant plus qu'une simple traduction, c'est une véritable adaptation. Des sprites ont été censurés, des endroits simplifiés et une fin complètement revue et étendue dans l'optique de rendre le jeu un peu moins frustrant pour les joueurs (le premier opus est connu pour sa difficulté très mal équilibrée et injuste), et surtout le titre a changé, celui-ci étant devenu EARTH BOUND (en deux mots, contrairement à EarthBound sur SNES). Nous en parlons plus en détail ici.
Ce n'est qu'en 1998 que le jeu localisé refait surface lorsqu'un collectionneur ayant fait l'acquisition d'une cartouche de l'un des prototypes du jeu accepte de la fournir au collectif de traducteurs Demiforce, qui diffusa ensuite la ROM en ligne. Celle-ci contenait la traduction entière du jeu, et ce prototype contenait sûrement la version du jeu destiné à la vente (ce qui s'avérera être le cas). La ROM fut uploadée sur Internet et s'est rapidement propagée : la modification d'un jeu NES étant relativement simple, les patchs de traductions commencèrent à apparaître, dont un certain patch français réalisé en 2006 par Ridculle et son équipe pour le site TRAF, dont nous reparlerons un peu plus tard.
En 2015, le jeu sort enfin des archives de Nintendo, qui le publie sur la console virtuelle de la Wii U sous le nom de EarthBound Beginnings, afin de rester cohérent avec le titre du jeu suivant. C’est la première fois que le jeu dépasse officiellement les frontières Japonaises, et pour l'occasion un nouveau boxart a été réalisé. Absolument rien n’est changé par rapport au prototype de Demiforce, et par conséquent, la localisation anglaise, avec ses erreurs et maladresses, reste inchangée.
Au début du XXe siècle, en Amérique, un couple disparut. Seul le mari George, reviendra, sans expliquer à personne ce qui lui est arrivé, et en commençant à étudier un sujet étrange… Voici les mots (ici résumés) par lesquels commence MOTHER. Les faits se déroulent 80 ans plus tard, où des choses étranges arrivent à un enfant surnommé Ninten, qui se compte que lui et sa famille sont plus ou moins impliqués dans une affaire d'invasion extraterrestre.
MOTHER est une véritable ode à l’aventure et à l’exploration, laissant le joueur dans un monde très ouvert, traversant des déserts, des villes plus ou moins peuplées, et un mystérieux monde nommé Magicant. Au cours de son aventure, Ninten (c'est-à-dire vous !) fera de nombreuses rencontres, découvrant l'amour et devant apprendre une mystérieuse mélodie afin d'en savoir plus sur la disparition mystérieuse de ses arrière grand-parents et sur la vengeance d'un certain Giygas.
Seulement, l'expérience sera particulièrement éprouvante : MOTHER est d'une difficulté remarquable et est sans pitié avec le joueur : pour finir le jeu, vous devez être forts. Et le jeu vous le fait bien comprendre avec sa difficulté mal équilibrée et ses combats aléatoires extrêmement fréquents, des défauts typiques des RPGs des années 80. Il vous faudra prendre votre courage et votre patience à deux mains afin d'obtenir un niveau correct pour ne pas vous faire littéralement trucider dans la dernière zone du jeu.
Mais ceux qui auront le courage d'aller plus loin que le cimetière de Fête des Mères pourront découvrir un monde extrêmement vaste et non linéaire avec une histoire étonnement riche et plutôt complexe. MOTHER reste l'un des meilleurs RPGs sur NES, avec ses graphismes minimalistes mais réussis, des dialogues absurdes et riches en humour, et surtout des musiques sublimes, le jeu possédant l'une des meilleures OST sur NES.
Nous vous conseillons vivement de jouer à EarthBound ou MOTHER 3 avant ce jeu ; même s'il vous semblera comme un inférieur par rapport aux deux autres jeux, commencer à jouer à MOTHER peut décourager certains potentiels joueurs. Il ne faut pas ! EarthBound et MOTHER 3 corrigent la plupart, si ce ne sont tous les défauts du premier opus, et puisque les jeux n'ont pas spécialement de liens entre eux, soyez libres de commencer par le jeu qui vous fait le plus envie.
Les musiques de MOTHER sont particulièrement soignées et réussies, et utilisent avec ingéniosité la puce sonore de la NES afin de produire des sons uniques. Personnellement, je (Matthack) trouve que les musiques des usines et Pâques sont particulièrement réussies, et montrent bien le côté innovant des musiques.
Mais MOTHER se démarque encore plus des autres jeux (comme s'il n'était pas déjà assez original comme ça !) par son OST sortie sur CD et cassette peu après sa sortie. L'album a été réalisé car Keiichi Suzuki, le compositeur principal des musiques, ne pouvait faire pleinement ce qu'il voulait à cause des limitations de la NES ; il décida donc, avec des artistes méconnus du public, de réaliser un véritable album studio au Royaume-Uni. Composé de 11 titres dont 10 réorchestrations des thèmes les plus importants du jeu, et 7 d'entre eux comprenant des paroles écrites par Linda Hennrick en collaboration étroite avec Shigesato Itoi et un medley de toutes (ou presque) les musiques telles qu'elles sont dans le jeu.
La plupart des artistes ayant participé sont britanniques, et ils sont nombreux ! On compte parmi eux un chanteur d'opéra, Jeremy Budd, deux chorales de cathédrales dont celui de la très célèbre Cathédrale St Paul existant depuis près de 900 ans, et même un français, Louis Philippe, qui y interprète une chanson !
Mais la "star" de l'album est sans aucun doute Catherine Warwick, alors âgée de seulement 14 ans lorsqu'elle a enregistré l'album. Elle interprète en tout 3 titres, soit plus que tous les autres artistes apparaissant sur l'album, et, malgré un succès relatif grâce à sa participation à l'œuvre, elle ne réussit pas à obtenir le succès après avoir sorti, au même moment, un single étant passé totalement inaperçu.
L'album, sobrement appelé MOTHER (également MOTHER ORIGINAL SOUNDTRACK), était, au départ, prévu pour promouvoir le jeu en dehors du Japon, mais puisque l'on connaît le sort de MOTHER en dehors du pays, l'album a connu le même traitement, ne quittant pas le sol Japonais avant 2015, lorsque le label indépendant Ship To Shore Phonograph réédite l'album en CD et en vinyle, dans des éditions très limités aux USA. En décembre 2019, Sony Music réédite également l'album en vinyle, là encore dans une édition limitée et seulement au Japon, dans le cadre des 30 ans du jeu.
Il s'agit globalement d'un album que nous recommandons fortement aux joueurs mais également aux non-joueurs de MOTHER. Les réorchestrations sont très réussies, respirent les années 80 tout en gardant ce côté expérimental qui a fait le succès des musiques du jeu. Un must-have pour les fans, et un album qui vaut le coup d'oreille pour quiconque aimant la musique !